LA BAGUE MAGIQUE

Dimon Adégbin n’en pouvait plus de trainer  dans la misère  à  Kilibo, son village natal au centre du Bénin en pays Tchabè. Rien ne lui marche. Même pas le champ, ni la chasse. Rien. Ses deux épouses ont dû rejoindre leurs maisons paternelles respectives avec leurs enfants car se nourrir devenait difficile. Il a essayé d’aller conduire le taxi moto (Zemidjan) à Parakou, hélas ! Il erra  longtemps dans les rues de Parakou vivant de petits boulots comme par exemple, celui de portefaix  sur la gare routière de la ville. Un jour, une histoire de perte de colis sur la gare éclata et les responsables ont renvoyé tous les suspects dont lui Dimon. Il ne pouvait pas repartir chez lui à Kilibo. Il est vomi, rejeté et vu comme un raté, voire un maudit du village. Sa deuxième femme a dû abandonner les enfants à qui veut s’en occuper pour suivre un autre homme au Nigeria. La première aussi, a fini par se faire enceinter par un autre qui vient vendre des produits vivriers dans le marché de Kilibo. Elle a fini par suivre cet homme pour aller s’installer à Bétérou.

 Dimon eut vent des départs et des nouvelles destinations de ses femmes  et sombra dans le désespoir total et l’alcool.

Par l’aide d’un transporteur, de Parakou, il fut jeté dans la remorque d’un camion, se confondant avec des tubercules d’ignames pour se retrouver à Abomey-Calavi ville située à quelques kilomètres de Cotonou.

Le transporteur arrivé dans la ville d’Abomey-calavi, au niveau du carrefour Arconville, devrait faire un premier déchargement.  Dimon fut déchargé en même temps que des tubercules d’igname ! L’homme lui remit un billet de mille francs, tira trois tubercules d’ignames qu’il lui jeta en disant : « Hé Dimon, je te laisse ici. Bonne chance. Mais fais attention et sois vigilant. Cotonou n’est pas comme ‘’Pkaakou’’.  Dimon chercha un sachet par terre. Il n’en trouva pas. Néanmoins il ramassa une corde avec laquelle il attacha les trois tubercules ensemble et les porta à bout de bras. Dimon n’est jamais venu au sud du Bénin. Il ne connait pas Abomey-Calavi, encore moins Cotonou. Il en entendait parler seulement. Il sait qu’il a un cousin qui vivait à Abomey-Calavi mais il n’a pas son numéro. Et de toute façon, il ne peut compter sur personne. Il était sale, crotté, affamé aussi.  Bio le transporteur lui a remis mille francs. Il compte l’utiliser judicieusement car il ne sait pas quand il aura encore d’autres sous. Le voilà débarqué dans une ville inconnue, très loin de son village. Il regarda à gauche et à droite et prit la direction de l’hôpital de zone. Avant l’hôpital, il enjamba rapidement la voie pavée et s’engagea dans une rue au milieu des habitations luxueuses. Comme un touriste en balade, il inspecta chaque habitation avec curiosité et ébahissement. Il finit par s’asseoir à l’ombre d’un arbre.

 A quarante-deux ans, rien ne lui a jamais réussi. Absolument rien. Il est pourtant volontaire et se bat, mais rien ! Il est comme frappé d’une malédiction. On raconte aussi qu’on lui aurait jeté un sort et que ça proviendrait d’une tante ou d’un oncle… « La prédiction de mon oncle Tchabi le babalao est fausse ! Lui qui m’a dit depuis ma tendre enfance que je suis prédestiné à une vie heureuse. Il a menti. Son Ifa  (l’oracle) a menti. Il a chance de n’être plus de ce monde. Sinon, je lui cracherais mes quatre vérités ». Subitement, il se leva, fit face à l’arbre et se mit à hurler en langue tchabè sur le pauvre arbre comme s’il parlait à son oncle Tchabi. « Oncle, tu as menti. Oui tu as menti ! Ton ifa a menti. Fausse prophétie. On dit qu’un mort n’est pas mort non ? Donc tu me vois et m’entends. Moi Dimon, je te dis que tu as menti. Regarde ma vie. Regarde bien ma vie, wo ayé mi ! C’est ça la vie heureuse que ton foutu de Ifa a prophétisé sur moi ?! N’importe quoi ! Toi et ton Ifa, le jour je suis né, mes parents défunts, je vous dis meeeerde !!! Aédéé !! N’importe quoi !!  Ewo win ko kpé !!!»

Pendant qu’il parlait, sans qu’il ne s’en aperçoive, les passants le regardaient et se disaient entre eux que c’est un nouveau fou qui passait dans le quartier. Lorsqu’il finit de s’attaquer sur son oncle à travers l’arbre, il soulèva ses tubercules d’ignames, lorgna les spectateurs circonstanciels et continua sa route…… (A suivre)